À partir de quel moment as-tu eu ce petit déclic qui t’a lancé dans l’écriture et plus précisément dans l’art de la nouvelle fantastique ?
« J’écris depuis l’adolescence. Écrire me permettait d’entrevoir qu’il y avait un autre monde bien plus intéressant que ce que la société et ses normes imposaient. À l’adolescence, on a une intuition aigüe sur cette arnaque que la société représente. Par la suite, l’écriture est devenue une route… une route sans fin. Il m’a fallu creuser, tracer, sans savoir où, et ce que j’y trouverais. J’ai essayé des formes diverses, le théâtre, le scénario (que j’affectionne toujours), la nouvelle pour finalement créer quelque chose qui me ressemble, du moins qui est proche de la façon dont je perçois le monde. Le fantastique est venu naturellement, je ne me suis pas dit : tiens, si j’écrivais des nouvelles fantastiques, non, j’ai écrit des nouvelles ! C’est en lisant les recensions et commentaires des sites et blogues que j’ai appris que Le baiser de la Mouche entrait dans ce genre. Pour moi, Le baiser de la mouche transgresse le genre. »
Y a-t-il des auteurs ou des artistes qui t’inspirent davantage ?
« Les écrivains m’inspirent rarement bien qu’il y ait des textes de fiction qui m’ont poursuivi et me poursuivent encore. J’ai de l’admiration pour l’œuvre ou le travail de certains, j’étudie leur écriture, j’apprécie comment, ils répondent aux problèmes que pose l’écriture. C’est pourquoi j’aime tant faire des cadavres exquis, car il faut trouver des solutions et rapidement. Les travaux scientifiques, philosophiques, les mathématiques et l’œuvre de certains artistes m’inspirent beaucoup plus, au même titre que les événements de la vie et la façon dont les gens que je connais les vivent ou pas. Le mouvement artistique qui m’a séduite dès mon adolescence est le surréalisme. Mouvement d’artistes, de langues et de cultures diverses, qui se sont exprimés à travers tous les médiums. Je trouve une grande liberté dans ce mouvement et la mise en théorie de l’irrationnel nécessaire à toute création (artistique, scientifique ou politique). »
Il y a toujours un point de départ très réaliste dans tes nouvelles puis à un certain moment, on sent un décollage et c’est là qu’on entre dans l’univers insolite que tu crées. Le lecteur n’a qu’à lâcher prise pour se laisser bercer par ses sensations, ses impressions, et par tes mots. Il m’apparait évident que l’évolution de ces récits demande une grande liberté et une bonne dose de confiance en soi, surtout dans le cadre de l’autoédition. Ce qui m’amène à te demander, comment se déroule ton processus créatif ?
« Le réalisme de départ n’est pas uniquement une technique littéraire (des repères pour le lecteur), mais une réalité objective. Je veux dire par là que mes univers existent dans le réel, ils en viennent. L’acte de l’écriture me permet de les rendre visibles.
Je réfléchis longtemps avant d’écrire (parfois des années !). Je réfléchis à la structure du récit, à la situation, à l’impression, la sensation, ou au personnage qui peut être l’origine du texte. Ensuite, j’attends que quelque chose remonte de ces pensées… Parfois, je prends des notes. Quand vient le temps de l’écriture, le texte peut venir d’une traite ou prendre des mois à écrire. Il n’y a pas de règles. Je crois que le plus dur est de trouver un thème, une matrice qui soit intéressante, surprenante, qui remette en cause tout ce que l’on sait ou croit savoir (l’ordre établi en quelque sorte.). Il faut donner un sens nouveau aux choses et aux êtres. »
Tout comme les peintres abstraits, l’art de déconstruire la réalité, de transporter son lecteur dans un monde parallèle pour livrer un résultat percutant demande une bonne ouverture d’esprit. Penses-tu que n’importe quel lecteur puisse aborder ton recueil ?
« Attention, il n’y a pas de monde parallèle, le monde est un et indivisible. J’en reviens au genre. Un lecteur habitué à lire de la science-fiction, du fantastique voire du Fantasy n’aura pas de mal à aborder Le baiser de la mouche. Il sait que tout est possible dans la littérature. Avec Le baiser de la mouche, je vais un peu plus loin en partant de cette prémisse : tout est possible dans le réel. Et, c’est en soi, un concept auquel tout le monde n’adhère pas.
Ceci dit, fais l’expérience pendant une journée, dis-toi que tout est possible, que tu n’as plus aucune limite, même plus celle de ton corps. Tu me raconteras comment s’est passée ta journée ! 😉 »
Parlant de peintres abstraits, la page couverture est l’une de tes créations, j’aime beaucoup l’effet de béton qui se désagrège. Pourrais-tu me parler de sa composition et de ce qu’elle représente pour toi ?
« Je photographie l’art de rue au gré de mes balades. Le visuel est très important pour moi. Pendant des années, je suis allée au Mexique pour fuir l’hiver, le pays chaud le plus proche des États-Unis. L’art mural est né au Mexique, et bien sûr, les murs des villes servent de toiles aux artistes. Et, c’est toujours magnifique. C’est une photo que j’ai prise parmi d’autres tout aussi fantastiques les unes que les autres dans une rue de la ville d’Oaxaca (prononcé ouahraka). Et, je ne saurais pas pourquoi exactement, mais j’ai pensé qu’elle représentait quelque chose de l’univers du Baiser. L’art permet de s’emparer du réel et de le transcender ! »
Y a-t-il une des histoires contenues dans Le baiser de la mouche que tu affectionnes plus particulièrement et pourquoi ?
« Difficile de choisir. Le baiser de la mouche qui a donné son titre au recueil est une prose proche de mon idéal musical. Il y a dans ce texte, une vérité cosmique qui s’exprime par la sonorité de chaque syllabe. L’équation est simple : un être tombe amoureux d’un autre être. Il se trouve que c’est une mouche et une poète. L’état de grâce les saisit, les enveloppe… et le lecteur avec ! Et ce n’est pas la plus fantastique. 😉 »
(Rires) Non, en effet !
Travailles-tu à de nouveaux projets actuellement ?
« Une expérience de texte long dans lequel j’ai travaillé sur la déstructuration du récit, Ma mère est une fiction, vient de paraître chez publie.net. Je propose au lecteur une lecture différente, je ne sais pas comment il sera perçu, mais j’espère que les retours me permettront d’avancer. Je pense que le roman en tant que forme a fait son temps. J’aimerais trouver une structure qui s’appuie plus sur la connaissance et l’intelligence que les lecteurs ont acquises au cours des 50 dernières années.
Oui, j’ai un projet, même deux ! »
Le baiser de la mouche, étrange et fascinant!

Mise à jour mars 2013
J’ai beaucoup réfléchi sur la façon de vous présenter ce titre pour vous inciter à découvrir ce recueil particulier. Comment décrire cet univers étrange puisé dans cette réalité que l’on regarde chaque jour et qui tire le tout jusqu’à la limite de l’abstrait, nous ramenant vers nos propres sensations, nos impressions… Évidemment, il y a une histoire dans chacune des nouvelles, je pourrais vous les résumer une à la fois par de simples phrases, mais ça ne répondrait pas à ce que représente la nouvelle, même dans son essence.
Lorsque l’on regarde une toile, une œuvre, on peut la décrire comme une série de tâches reconnaissables par ses formes que l’on associe à la réalité (une mouche, un bus, une bouche, etc.) et d’autres fois, pas du tout (l’émotion par les couleurs, la texture…). Pourtant dans les deux cas, il faut se laisser transcender par l’œuvre pour savoir ce qu’elle nous fait, au-delà même de se questionner sur l’expression de l’artiste parce que tout n’est qu’une question de perception.
Pour ceux qui se questionnent sur la qualité de l’écriture, je peux vous dire que Chris Simon écrit très bien! La qualité de ses mots, de ses phrases et de sa structure est excellente et cadre bien dans l’œuvre qu’elle nous livre. Pour ce qui est de chacune de ses nouvelles, elles offrent un univers et un esprit unique qui ne sont pas reliés entre elles, ne serait-ce que le point d’une réalité qui se dissocie tranquillement et amène le lecteur vers un questionnement. Il m’apparait indéniable que Chris Simon a un sens très aiguisé de l’observation et qu’elle n’a aucune difficulté à les transposer dans ses récits qui sont très originaux. Je dois vous avouer que parfois, j’étais un peu perdue, je pense que c’est davantage causé par le genre de l’histoire que le manque de détails, il faut lâcher prise et se laisser guider.
Malgré tout, je pense que la lecture de ce recueil correspond à une expérience artistique intéressante, elle me rappelle un peu les nouvelles de Kafka et les épisodes télévisés d’Alfred Hitchcock.
Vous serez transporté tantôt par une jeune fille ayant embrassé le garçon qui ne fallait pas oubliant qu’une langue est si précieuse, plus tard, par l’envie d’une bouche parfaite au creux d’une main, ou encore par des conducteurs de bus miniaturisés. Au fait, mâchez-vous ? Et, depuis combien temps ? Soyez rassuré, vous n’êtes pas le seul.
Que puis-je ajouter ?
C’est une réalité pointée d’étranges évènements qui est tout simplement fascinante!
Visitez-la sur son blogue, Scènes de la vie littéraire, Chris Simon.
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