Patrice Cazeault (@PCazeault), un jeune auteur québécois de la région de Granby, qui a commencé par étudier l’enseignement de l’histoire à l’université pour finalement rebrousser chemin et s’investir dans son rêve de jeunesse, celui d’écrire un roman. La voix de Seki, personnage principal du tome 1 l’interpellait suffisamment pour qu’il choisisse d’y mettre temps et rigueur. Heureusement pour nous puisqu’il a désormais à son actif ce premier roman d’une série de 6, Averia : Seki. Avec l’arrivé du tome 2, Averia : Annika et prochainement, le tome 3 qui fera son entré sur les tablettes des librairies, Averia : Myr, on peut affirmer que Patrice Cazeault mord à pleine dent dans ses ambitions et qu’il saura gagner en popularité.
Je me suis donc penchée sur la lecture des deux premiers tomes et j’ai tenté d’en découvrir plus sur cette série puisque le tome 4 est pratiquement terminé et que le cinquième est en cours d’écriture.
L’entrevue
Pour ceux qui ne connaissent pas la série, j’ai osé une question coriace pour un tour d’horizon rapide avant d’arriver aux résumés des tomes et sur mes commentaires à la fin de l’entrevue.
Donne environ une phrase clé par tome (les 6 !) qui permettrait sans doute fortement d’accrocher de nouveaux lecteurs à ta série.
“Aie! Résumer un roman est une tâche très difficile! Tu me fais travailler fort! Comme les tomes 4, 5 et 6 sont encore en cours de rédaction, je préfère rester discret à ce sujet.”
(RIRES) Vous ne pourrez pas dire que je ne me suis pas fait un devoir d’essayer d’en savoir plus.
“Par contre;
Tome 1 : Seki L’opposition de deux sœurs, Seki et Myr, sur fond de révolte dans une colonie occupée par une force étrangère.
Tome 2 : Annika, sur Tharisia, mène un combat contre son gouvernement, contre son propre peuple et, surtout, contre elle-même.
Tome 3 : Myr doit affronter le vide laissé par la révolution qu’elle a dû abandonner tandis que Seki doit faire face aux mensonges et aux vérités qu’elle souhaite esquiver.”
Revenons au tout début, dans les remerciements du premier tome mon regard s’est accroché sur un commentaire au sujet du personnage de Myr (l’adolescente rebelle). Elle n’était pas destinée initialement à la place de narratrice de l’histoire conjointement avec le personnage de Seki (sa sœur aînée, pacifique). Pour avoir lu ce premier Tome, je ne peux qu’approuver ce choix puisque l’importance de ce jeune personnage amène un point d’intérêt culminant pendant la lecture.
Qu’est-ce qui a été déterminant dans ce choix alors que le Tome 1 n’était encore qu’au stade de l’élaboration ?
“Ouf! Tu me fais remonter loin dans mes souvenirs. En fait, j’ai d’abord écrit l’histoire du tome 1 au complet en adoptant seulement le point de vue de Seki et, à la toute fin, j’ai réalisé qu’il me manquait la moitié du récit. J’avais besoin d’un contrepoids à sa personnalité, à sa vision du conflit. Il me fallait la petite sœur explosive, la Myr en colère pour que la dimension émotionnelle du récit prenne forme, pour que cette opposition atteigne son plein potentiel.
Et puis, surtout, Myr voulait sa propre voix! Je ne pouvais pas la lui refuser!”
Parlons donc un peu plus des personnages, il arrive souvent que des auteurs écrivent en mettant à l’avant-scène une narration interne à partir de personnages du sexe opposé. Je dois avouer qu’il m’est arrivé à quelques reprises de constater que la psychologie de ceux-ci ne me semblait pas toujours réussie. Ce n’est pas le cas pour Averia. Les protagonistes féminins (tome 1 : Seki et Myr, tome 2 : Annika) par lesquelles les lecteurs glissent tranquillement dans l’histoire ont des personnalités très définies et gardent une crédibilité jusqu’à la fin.
Est-ce que tes héroïnes se sont imposées naturellement pour l’écriture de cette série ou est-ce un choix conscient ?
“Elles se sont imposées. D’ailleurs, quand j’écris, tout passe par les personnages. C’est mon travail de les comprendre, de les connaître sur le bout des doigts et (c’est le côté le plus excitant de la création)… de les laisser me surprendre!
Dans les tomes 3 et 4, des personnages qui n’apparaissaient pas dans mes plans ont croisé la trajectoire de mes héroïnes et ont tout chamboulé! À mon insu, ils se sont intégrés à la trame principale et revêtent à présent une importance capitale.”
Considères-tu que la sensibilité (malgré leur orgueil prédominant) de tes personnages aurait été mise en doute si elles avaient été de sexes masculins ?
“Un des mes auteurs fétiches, Haruki Murakami, a déjà dit (citation approximative) «Il est plus facile d’écrire des filles dures que des gars durs. Elles sont plus crédibles».
La lecture aurait été différente, j’en suis persuadé, si Seki et Myr avaient été des garçons.
J’ignore si leur sensibilité aurait été critiquée par les lecteurs, mais j’aurais perdu des dimensions intéressantes auxquelles je tiens!”
Comme tu as étudié en histoire, il m’apparait évident que tu as pu mettre à profit tes connaissances à ce niveau pour constituer un déroulement des plus réaliste et accrocheur entre ces peuples, soit les Humains, colonie d’Averia, et ceux qui représentent l’envahisseur, les Tharisiens. Est-ce que je me trompe ?
“Non, tu ne te trompes pas! L’Histoire est une source d’inspiration pour moi. C’est très utile pour délimiter un certain cadre, pour trouver la bonne note, pour définir la toile de fond.
L’Histoire est riche en opposition entre les peuples…
Sauf que, évidemment, les personnages ont toujours le dessus sur le cadre historique.”
Y a-t-il des pans de l’histoire qui t’ont davantage influencé dans l’élaboration complexe de ce rapport houleux entre ces deux peuples ?
“Oui, en effet, mais je n’aime pas citer directement ces périodes. Ça donne l’impression que l’auteur ne fait que calquer ses vieilles notes de cours sur un manuscrit. Je préfère quand le lecteur me raconte ce que mon récit lui rappelle, les échos qu’il capte lui-même à travers le texte. Une lectrice m’écrivait il y a quelques jours pour me dire qu’elle y voyait l’histoire du Québec au temps du Haut et du Bas-Canada, la révolte des patriotes, l’occupation de la France par les nazis au temps de la Seconde Guerre mondiale, l’indépendance de l’Algérie et même ce qu’elle avait vécu pendant la crise étudiante ce printemps.”
Je suis bien d’accord avec le fait que la série nous rappelle différents moments de l’histoire de l’humanité et ses difficultés. Avec les personnages forts de Patrice Cazeault, vous n’aurez toutefois pas l’impression d’ouvrir un livre d’histoire, mais plutôt d’en ressentir les vibrations.
En dehors de l’histoire, où puises-tu ton inspiration et ta motivation pour maintenir la cadence dans l’écriture de cette série ?
“La motivation est facile à trouver! Des lecteurs m’écrivent toutes les semaines pour me parler d’Averia ou pour me demander quand sortira la suite. De plus, créer est une drogue. Le seul fait de dénouer l’intrigue sur laquelle on bûche depuis des jours, de se laisser prendre au jeu des personnages, d’explorer leurs nouvelles dimensions… Ouf!
Quant à savoir ce qui m’inspire en dehors de l’Histoire… Hum… C’est l’humain. Le personnage et ses épreuves, ses réactions, ce qu’il traverse comme obstacle. Voilà ce qui me fascine le plus et ce que je tente d’explorer dans l’écriture.”
As-tu déjà des notes ou des idées en méditation qui permettront à tes lecteurs d’éventuellement découvrir un peu plus ton imaginaire après cette grande aventure que représente Averia ?
“Je tente de garder le couvercle sur les idées qui ne concernent pas Averia, car j’ai peur qu’elles s’échappent alors que je n’ai pas le temps de m’occuper d’elles!
Toutefois, oui, il y a une ébauche de manuscrit qui me trotte dans la tête, un quelque chose qui mûrit depuis avant Averia et qui continue de m’obséder.
Je vous en reparle un jour, promis!”
En cette ère où la technologie s’étend dans toutes les sphères professionnelles, dont celui de l’édition, quel est ton point de vue d’auteur, mais aussi de lecteur, sur le livre numérique ?
“Je n’ai pas la chance de posséder une liseuse, mais, en tant qu’auteur, je suis plutôt intrigué par le potentiel du livre numérique. Il s’agit d’un nouveau format, d’une nouvelle dimension, d’une nouvelle façon de rejoindre les lecteurs… mais en même temps, ça ne change à peu près rien à notre travail. L’écriture reste la même : il faut choisir les mots les plus justes, les couleurs les plus intéressantes, les traits les plus poignants. En tant que lecteur, c’est la même chose. Tant que je suis engagé dans l’histoire, peu m’importe que les mots soient digitaux ou en caractères imprimés!”
Averia : Seki : Tome 1
Mon résumé
Il y a 20 ans, une guerre faisait rage sur la planète d’Averia. La colonie humaine qui y vivait a été conquise par les Tharisiens.
Pour Seki, une jeune universitaire en science, il s’agit d’un pan de l’histoire passé, une brèche qui doit rester fermée à jamais pour le bien d’un peuple qui cohabite pacifiquement. Pourtant, Myr, sa jeune sœur de 14 ans, la rage au cœur, voit les Tharisiens comme le peuple d’envahisseur qui doit être renversé une bonne fois pour toutes.
Que se passera-t-il lorsque Seki se verra contre toute attente mêlée à un groupe de résistants ayant fait exploser une bombe ? Jusqu’où Myr poussera sa rancœur vis-à-vis des Tharisiens alors que le soulèvement s’annonce parmi les humains ?
Deux jeunes filles d’une même famille, une profonde douleur refoulée, 2 peuples encore écorchés… comment faire cesser le tourbillon de tourmentes dans lequel tous semble vouloir s’engouffrer ?
Mes commentaires
Comme je l’ai dit précédemment, on découvre le récit d’Averia à travers les yeux de Seki et Myr sans compter les ajouts ponctuels (et original) du journaliste Charal Assaldion qui commente l’actualité sur la planète. Malgré l’absence des habituels chapitres, la rotation des narrateurs et la division en trois parties, donne un rythme à l’histoire et reste facile à lire.
L’auteur souligne à quel point il est important pour lui d’appuyer ses écrits sur des personnages forts ainsi que sur leur valeur au centre du tumulte. Je pense que son travail à ce niveau est excellent.
Seki amène une note plus noble à l’histoire puisqu’elle représente la grande pacifique et reste protectrice des siens. On ne tombe cependant pas dans un personnage fade puisque l’on découvre tranquillement qu’une certaine froideur se cache dans son cœur… La gravité des gestes qu’elle devra poser, son sentiment d’impuissance devant les événements qui déboulent fera naître une forte dualité, c’est ce qui gardera le lecteur captivé par cette jeune étudiante.
Myr est tout de même devenu mon personnage préféré, j’aurai sans doute un grand plaisir à découvrir le tome 3. Dans le cas présent, le lecteur est transporté dans les tumultes d’une adolescente torturée par son autodestruction intérieure, elle canalise cette grande colère dans une vengeance contre les Tharisiens. Qu’est-ce qui l’a poussé dans ce sentiment d’injustice et de haine face au peuple Tharisien et surtout jusqu’où va-t-elle aller dans son combat ?
Pour ce qui est de l’influence de l’histoire des peuples et de la guerre qu’ils ont vécue, il est évident qu’une grande importance lui est accordée ce qui cause parfois un ralentissement dans l’enchaînement, mais donne tout de même toute son ampleur aux enjeux de la finale de ce premier tome. Les toutes dernières pages manquent un peu de croustillant pour un livre qui s’ouvre sur une série, contrairement au tome 2 qui nous laisse dans un suspense plus insoutenable.
Averia : Annika : Tome 2
Annika Arralia, une jeune Tharisienne, habite avec son oncle. Il s’agit d’un homme avare de pouvoir et imbu de son statut social qui dirige la vie des membres de sa famille comme bon lui semble, usant de ses liens influents pour arriver à ses fins. Avec un cousin qui répond à cette emprise par la soumission d’un côté et l’abus de drogues de l’autre, Annika ne ressent que dédain pour ses proches. Est-ce la raison qui la mène à vivre avec une haine sans limites, autant, pour le genre Humain que Tharisien ?
Elle n’est pas plus clémente avec ses amis, de fervent monarchiste, qu’elle méprise. Lorsqu’ils mettent en place un plan dangereux pour renverser le pouvoir, Annika s’y mêle même si elle les maudit tous. Pour quelles raisons ?
Annika s’est formé un masque de dureté sans faille. Saura-t-elle le maintenir jusqu’à la fin ? Déploiera-t-elle toute la violence qui la ronge ?
Mes commentaires
Le début du tome 2 est très saisissant ! Dès les premières pages, l’action saura vous garder en haleine. Il y a ensuite un ralentissement qui permet aux lecteurs de découvrir les personnages et les enjeux de ce roman. J’ai été plus difficilement touché par Annika. Son orgueil et son insensibilité aux autres m’ont malgré tout accroché à la lecture. Puis, éventuellement on comprend… mais on se demande jusqu’où son agressivité se déploiera. Encore ici, il y a une dimension sociopolitique omniprésente. Si ce côté de l’histoire vous semble moins invitant, je peux vous assurer que les scènes d’action sont bien construites et valent nettement la lecture. Les yeux écarquillés, on se cramponne à chaque mot !
En primeur : Averia : Myr : Tome 3, LE résumé
« Deux années se sont écoulées depuis l’insurrection qui a secoué Averia. Sur la colonie occupée, la vie a repris son cours normal. La nomination d’Haraldion, l’allié de Seki au temps de son emprisonnement, au poste de Gouverneur laisse présager un avenir meilleur pour les habitants de cette planète.
Alors que Seki s’efforce de rattraper son retard dans ses études, Myr, elle, éprouve plus de difficultés à retrouver une vie paisible. La révolution qu’elle chérissait de tout son être lui a été arrachée des mains et ce qu’elle a vu sur Terre a terminé de souffler ses convictions.
Dans l’obscurité, à l’abri des regards, Myr se lie à des gens dangereux.
Partagée entre son désir de protéger sa famille et sa quête pour rallumer les braises qui agonisent en elle, Myr commettra des gestes qui enflammeront beaucoup plus que son propre coeur.»
Après tout ça, une seule autre question reste en suspens : quel producteur de film se jettera sur Averia pour le porter à l’écran ?
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