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Les chroniques de salle d’attente : Quel type d’impatient êtes-vous? — Partie 1 : Les réfractaires

Avez-vous remarqué comme attendre est une activité en soi? Une très mauvaise activité certes, mais quand même…

C’est lors de ces instants merveilleux que l’on découvre dans un premier temps notre chaleur humaine, surtout celles des autres en fait, car la règle non écrite qui consiste à laisser une chaise d’espace entre chaque inconnu ne peut pas toujours être respectée. Le cas échéant, un profond malaise survient… À qui appartient l’accoudoir? Du moins, quand on daigne y déposer le bras, parce que tout à fait entre nous, quand le tissu est noirci et suspect ou la cuirette déchirée, la question ne se pose soudain plus du tout.

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Crédit de l’image: Wellcome Images / L0081626 Man in a strait-jacket. French asylum. 1838

Vient ensuite la phase cruciale de l’exercice : devenir fou.

Afin de bien y arriver, il faut user notre patience à son maximum, l’espoir de ressortir vivant de cette aventure doit être annihilé en totalité. C’est à ce moment que notre esprit flanche pour révéler une facette peu reluisante de notre personnalité aux yeux importuns de notre audience obligée.

Voyons donc en détail les différents niveaux de détresse que vous pouvez présenter.

Les dormeurs

Que ce soit à cause de votre mode de vie fatiguant ou parce que l’attente vous ennuie, vous pouvez choisir de vivre dans le déni. Pour y parvenir, dormir dans la salle bondée est votre meilleure solution. Ne vous croyez toutefois pas tiré d’affaire, car même en tant que participant passif, il est important de jouer votre rôle pleinement. Celui-ci consiste à alléger l’atmosphère de la pièce, provoquant des coups d’œil amusés, des sourires affables ainsi que des petits gloussements moqueurs…

Ne prenez pas la tâche tout d’un bloc! Respirez! Voilà! Maintenant, allez-y petit à petit en commençant par cogner des clous, c’est une valeur sure. Lorsque vous aurez atteint un certain plateau, lâchez prise, ne vous souciez plus du jugement de ceux qui vous regarde baver ou ronfler… peut-être même les deux, pourquoi pas?

N’oubliez pas que votre voisine est toujours ravie d’accueillir votre tête humide sur son épaule. D’ailleurs, à voir sa moue tordue de dédain, on voit tout de suite que le rôle d’oreiller lui plait. Oups! Apparemment pas. Elle vous a poussé un peu fort, hein? Bon, relevez-vous pendant que je vous explique comment identifier un réfractaire, parce que franchement à voir comment elle vous a bousculé, je ne serais pas surprise que ce soit son cas.

Les réfractaires

Parmi tous les « impatients », ils sont sans conteste ceux qui offrent la moins belle image de leur personne. Soulignons néanmoins qu’ils peuvent s’avérer potentiellement normaux si vous les croisez autre part. Dans cette salle d’attente pourtant, ils deviennent des bombes à retardement, rendant le personnel très nerveux. Aussi, il vaut mieux savoir reconnaitre ces gens, car ils sont susceptibles de faire une explosion de fureur à tout moment.

5 — L’effacé
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C’est celui qui, dès son arrivée, a patienté un peu trop longtemps au bureau de la réceptionniste parce que celle-ci ne l’avait pas remarqué. De nature introvertie, il s’est ensuite dirigé dans un coin sombre. Il ne sourit pas, ne boude pas, ne semble ni agité, ni contracté. Personne ne lui parle parce que personne ne le voit vraiment. La seule façon de détecter que le compte à rebours est commencé, c’est de regarder sa bouche qui forme une mince ligne serrée. Quoique discret, cet individu pourrait nous surprendre et passer d’un seul coup au point 0, celui de non-retour. Alors, méfiez-vous!

 4 — Le boudeur
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Ce réfractaire arrive la mine basse, prend son numéro d’un mouvement las, s’affale dans son siège, attend son tour sans la moindre volonté d’échanger une émotion, un regard, ou même une phrase avec autrui. N’ayez crainte, il n’est pas encore dangereux! D’ailleurs, il n’est pas rare de voir un boudeur changer de catégorie puisqu’il en vient parfois à se résigner à son sort. Dans le cas contraire, il restera longtemps renfrogné avant de passer au stade 2. Le cas échéant, ne prenez pas de chance, changez de siège.

À noter : s’il s’agit d’un adolescent, ignorez-le, il restera ainsi jusqu’à ses 18 ou 19 ans, peu importe l’endroit où il se trouve.

3 — L’agité

Soupçonné d’être hyperactif, il ne cesse de bouger sur sa chaise. Il fait sauter son genou, s’étire pour regarder l’heure, se lève, prend une chaise plus loin pour voir la télé, se sent insatisfait, se relève, puis décide qu’il est mieux debout. À cet instant, il n’est pas impossible de le voir se balancer d’un pied à l’autre. Ce n’est pas de sa faute, demeurer en place lui donne un fourmillement insupportable. Il tente de se distraire comme il peut, mais rien n’y fait. S’il fume, il ira sans contredit à l’extérieur pour s’adonner au moins à ce passe-temps, sans quoi, il téléphonera à quelqu’un pour se changer les idées quelques secondes. À son retour, il trouvera un siège où s’agiter de nouveau. La plupart du temps, ces gens ne présentent que peu de risque d’explosion. Parlez-lui, s’il sourit, il n’est pas dangereux, mais s’il reste maussade, qui sait…

2 — Le contrarié

woman-66315_1920Pour cette personne, la situation est intolérable! Elle a les bras croisés, le corps raide, la trotteuse qui court sur l’horloge ne va pas assez vite à son goût. Néanmoins, consciente que tout le monde est dans le même bateau, elle finit par demander à son voisin depuis combien de temps il se consume dans cet enfer. ATTENTION! C’est une question piège!  Le contrarié veut partager ses doléances, si celles-ci concernent l’administration douteuse de ce lieu immonde, il vaut mieux rester sur vos gardes. N’oubliez pas que si son besoin de revendication surpasse sa conscience de l’environnement, il n’est pas impossible qu’il passe du côté des colériques. Alors dès les premiers signes persistants, battez en retraite! Relevez-vous, puis reculez… len-te-ment!

1 : Le colérique

 anger-794699_1280Cette personne refuse de se soumettre au système, devenant insensible à son entourage, elle clame haut et fort ce que, selon elle, tout le monde pense. Le visage rouge, les narines frémissantes, elle n’hésite pas à se plaindre auprès de l’adjointe administrative. Sa colère reste tempérée quoique désagréable pour l’ensemble des « impatients ». On se doute tous que sa semaine n’a pas dû être agréable, il faudrait bien lui dire « Relaxe, Max!», mais le risque de le voir devenir un Explosif est trop présent, alors on se tait.

0, ou le point de non-retour : L’explosif


Il n’a plus de contrôle sur sa personne, il est vert, a pris plusieurs centimètres d’un coup et ses veines sont soudain saillantes. Si une équipe de l’établissement n’est pas déjà en train de lui mettre sa camisole blanche… Vous n’êtes plus en sécurité dans cette salle! Fuyez!

N’oubliez toutefois pas de revenir la semaine prochaine, vous avez rendez-vous avec la partie 2  « Les conteuses ». Vous vous y retrouverez peut-être davantage. D’ici là, il est moins risqué de garder l’œil ouvert!

 

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