Écrire, un idéal romantique de plusieurs ambitieux qui s’imaginent déjà être la nouvelle coqueluche de demain. Pourtant, voir naitre son œuvre, recevoir les éloges et les foudres, vivre l’édition, sans nécessairement vivre de ses écrits, voilà une réalité de laquelle il vaut mieux rire que pleurer. Mais pourquoi? Comment? Êtes-vous, oui ou non, un auteur? Y a-t-il un secret? Ahhh! Le fameux secret…
Patrice Cazeault, auteur de la série « Averia » et de la toute nouvelle série « Blé, sur la route », nous partage son expérience avec beaucoup d’authenticité et une bonne touche d’humour. Il a accepté de se prêter à mon entrevue un peu… loufoque, où je lui demandais de compléter avec ses idées mes différents points. Y trouverez-vous LE secret?
L’aventure littéraire
C’est connu, pour être l’un de ces élus qui traverseront du côté des auteurs édités avec une maison traditionnelle, il faut suer sang et eau sur ses mots. Patrice Cazeault, après presque 2 ans de patience et de travail acharné, est parvenu à trouver preneur. Qu’en pense-t-il aujourd’hui?
- L’aventure littéraire à son meilleur
- Je la conseille parce que…
Parce que c’est s’étonner, jour après jour! Sans cesse et continuellement. S’étonner d’une phrase qu’on a écrite puis oubliée, d’un commentaire d’un lecteur, du thrill qu’on ressent à démêler un morceau d’intrigue, s’étonner de bosser très fort sur son manuscrit même pendant un jour de déprime, quand rien ne va, s’étonner d’être lu, s’étonner qu’on attende son prochain bouquin…
S’étonner de pouvoir courir dix fois moins longtemps qu’avant depuis qu’on publie (faudrait vraiment que je trouve le temps de m’entrainer…)
- Sauve-toi vite si…
Si… si… ah pis non, sauve-toi pas. Fait face à la musique, tiens. Ride the storm, comme qu’y disent. Prends le taureau par les cornes. Endure.
Écris, travaille, buche.
L’aventure littéraire, c’est manger des claques. C’est tomber sur meilleur que soit dès qu’on met le nez dans un bouquin. C’est bâtir sa confiance jour après jour pour être ensuite ébranlé dans ses fondations les plus solides par un mauvais paragraphe.
Mais c’est de même que ça marche.
Pis un jour, à force de confronter ses erreurs… on finit par s’étonner
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Une fois l’étape de l’édition franchie, il faut poursuivre sa trajectoire. Souvent les auteurs ont leur page Facebook, leur compte Twitter et d’autres comptes sur les réseaux sociaux afin de mieux promouvoir leur livre tout en gardant un œil sur ce qui se passe dans le monde littéraire. Patrice Cazeault ne fait pas exception, mais qu’est-ce que ça lui apporte?
- La technologie, le « marketing » et les réseaux sociaux désormais plus directs qui permettent l’ouverture sur la communication :
- C’est encore drôle…
Euh… il y avait cette lectrice qui était toute fière de m’annoncer qu’elle avait numérisé page par page le premier tome d’Averia pour le partager parce que « c’était vraiment top comme bouquin ».
Snif…
- Parfois c’est génial…
C’est souvent génial.
Au hasard des mots, dans le détour d’un billet ou d’un tweet, je rencontre des gens qui se transforment en amis, en lecteurs ou en alliés.
C’est fou quand on pense que j’ai commencé à écrire à l’ombre et dans l’humidité de ma caverne, il y a bientôt 5 ans, pour moi et les quelques ours avec qui je partageais mon coin de grotte virtuelle.
À travers ce travail acharné et ce temps sur les réseaux sociaux, son chemin a-t-il été allégé par le souffle de citations connues ou s’est-il battu contre la rocaille des idées préconçues?
- Une réflexion connue et réaliste qui t’interpelle
Hum… la réflexion sur l’écriture qui m’a le plus marqué récemment, ce serait celle-ci, tirée du compte twitter d’Haruki Murakami. Il dit ceci : « It can’t be any new note. When you look at the keyboard, all the notes are already there. But if you MEAN a note enough, it will sound different. »
Je l’imagine devant son clavier, à réfléchir sur la magie des mots, entre deux bonzaïs, avec sa cigarette et sa canette de bière. Et un lecteur lui répond : « You got to pick the one you really mean. »
Et Murakami d’interagir pour la première fois (à ma connaissance) avec son tweetorat : « Thank you. »
Voilà! C’est le fameux « l’étincelle qui se change en éclair ». Faut choisir le mot juste, tout simplement!
- Qu’en est-il du pire préjugé entendu?
J’ai horreur des listes du genre « les 10 signes que vous êtes un écrivain » ou les trucs du même style.
Il faut s’inspirer du travail de nos collègues, se nourrir de leur passion à partir de ce qu’ils nous livrent comme bouquins. Scruter attentivement leurs mots et l’effet qu’ils ont sur nous en tant que lecteur.
Pas se valider « Oh, Cazeault aussi pense mieux après une bonne douche chaude! Fiou, je suis écrivain! »
Hahaha! Alors là, j’adore vraiment cette réponse parce que je sais ce qui vient…
Vie d’auteur
Encore faut-il se reconnaitre en tant qu’auteur… Qu’est-ce qu’un auteur? Nous savons tous qu’il existe des listes un peu partout sur le Web pour nous dire que si on fait ceci et cela… assurément, c’est notre branche! Qu’en pense donc monsieur Cazeault?
- Tu es sans doute un auteur si :
- Assurément, il faut un minimum…
Oh, je prends toujours une bonne douche chaude et… Hahaha! Je blague. Malgré ce que j’ai dit plus haut, je prends cette question au sérieux.
Voyons voir…
Il faut un minimum…
Tiens, je le rephrase ainsi : Il faut avoir une petite voix à l’intérieur, un quelque chose qui te griffe le ventre, une envie de raconter une histoire qui ne te lâche plus, de faire vivre des personnages qui demandent à exister, qui se débattent à grands cris dans ta poitrine.
Il faut avoir la passion.
C’est l’essentiel.
Tout le reste s’apprend.
- Confidence, tu l’es peut-être même si…
… parfois tu fais une indigestion de mots et que l’idée de lire ou d’écrire te donne envie de t’arracher les yeux. (Ça m’arrive une fois par année. Traitement : se ressourcer ailleurs. Sur le bord d’une piscine, genre. Dans le sud, ce serait encore mieux, mais j’suis pas rendu là encore avec mes revenus d’auteur.)
Devenir auteur, c’est écrire, puis réviser, encore et encore, parce qu’on ne veut que voir notre histoire trouver sa fin. C’est très important de croire en soi, surtout quand on n’a pas nécessairement l’appui qu’il nous faut autour de nous. Qu’en est-il pour notre auteur du jour?
- Le soutien de la famille, les amis ou connaissances, les bêta-lecteurs, les fans :
- Euh… quel soutien?
Hum, non, je peux pas dire ça. Je dispose d’un soutien exceptionnel. Même le gars qui m’a le plus planté dans sa critique (et il n’a vraiment pas été très tendre)…
- Quand on ne peut demander mieux!
… est devenu mon meilleur allié! Sérieusement, je suis entouré de gens exceptionnels, de bêta-lecteurs en or et de fans délirants. J’suis vraiment choyé.
Alors, tranquillement l’auteur solitaire sort de sa coquille littéraire pour se faire approcher de plus en plus, entre autres, par des chroniqueuses avec des idées compliquées, mais surtout par ses lecteurs qui souhaitent partager leur plaisir de lire! Il en découle assurément de belles anecdotes…
- Le vedettariat, bon coup, mauvais coup, en public ou à ses débuts :
- Avoir envie de se cacher sous le tapis…
Hahaha! Il faut que je vous raconte.
J’avais été invité aux portes ouvertes de mon éditeur, chez AdA. C’était la deuxième fois, alors j’avais une bonne idée du déroulement. Surtout, je savais qu’il y aurait du café et des beignes (je le spécifie parce que c’est important pour la suite).
Alors la journée se déroule bien. Je rencontre des gens tout plein. Discute discute, jase jase, signe signe. Plus l’après-midi avance, plus la foule se disperse. Alors, comme j’en ai souvent l’habitude en Salon du livre, je m’éclipse pour faire coucou à mes copains auteurs. De stand en stand, je me rapproche de la table où se trouvent les beignes. J’en avais déjà mangé un au diner et… bah… il n’y a presque plus personne. C’est tranquille. Alors je choisis le beigne le plus crémeux, le plus garni, le plus gélatineux du lot. Et comme je mords à pleines dents dans mon crème/boston/gelée aux fruits/chocolat/petits bonbons…
«Êtes-vous-Patrice-Cazeault-Oh-mon-dieu-J’ai-toujours-rêvé-de-vous-rencontrer-J’ai-lu-toute-votre-série-C’est-vraiment-magique-J’en-ai-parlé-à-toutes-mes-amies-C’est-vraiment-génial-de-vous-voir-aujourd’hui-J’ai-apporté-les-tomes-1-2-3-au-cas-où-vous-seriez-ici-Pouvez-vous-me-les-dédicacer-s’il-vous-plait…» en un seul souffle tandis que je cesse lentement de mâcher mon énorme bouchée. Quelle impression j’ai dû lui faire! (j’ai essayé très fort de ne pas tacher son livre avec la gelée aux framboises)
- Faut bien se gonfler l’égo de temps en temps…
Le même scénario est déjà arrivé en salon du livre… mais cette fois je n’avais pas la bouche pleine de confiserie!
Averia
L’aventure Averia, en est une longue pour Patrice Cazeault. Sa première parution, avec le tome Seki, date de février 2012, mais l’écriture a débuté bien avant. Depuis, son style s’est affiné. La force de son écriture réside indéniablement dans ses personnages bien campés qui savent habiter l’espace avec leur tempérament, qu’il soit de feu ou de flegme. Ils évoluent dans une intrigue captivante où le reflet de leur rage intérieur trouve son essence dans une société en dérive. J’ai quand même poussé la note en laissant l’auteur nous parler d’Averia.
- L’écriture pour le meilleur : les personnages, les phrases géniales, les scènes croustillantes :
Ce qui me fait le plus triper, ce sont les personnages. J’aime les prendre à un moment de leur vie et les faire évoluer. Le plus beau commentaire qu’on m’a fait jusqu’à maintenant, c’est : « Wouah… quel chemin parcouru, quand même. Ce n’est pas ainsi qu’aurait réagi Annika au début du premier tome! »
- L’écriture pour le pire : les fautes récurrentes, les structures boiteuses, les idées en cafouillis :
J’en ai à la tonne, des défauts! Je suis comme un petit chiot. Faut m’écraser le nez dans mon petit tas d’erreurs pour que je me rende compte de ce qui ne fonctionne pas dans mon style. Chaque tome voit la disparition (et l’apparition?) de nouveaux tics!
Humm… non, pas d’apparition de nouveaux tics, il me semble!
Une fois lâché parmi les lecteurs, le roman fait son voyage parmi les critiques. On passe tous ces petits défauts au peigne fin, mais il y en a aussi pour apprécier le travail!
- Blogueurs, chroniqueurs et journalistes passent leurs commentaires :
- Tout un velours!
Quelqu’un m’a dit récemment qu’elle comparait mon écriture à celle de Pierre Bottero! Ahhh! Non, je ne suis pas digne!
- Ouch! La vendetta viendra bien un jour…
Que mes personnages n’étaient pas creusés. Ouch! Ça, c’est douloureux pour mon petit cœur!
L’aventure se poursuit, malgré tout. À l’automne, l’avant-dernier tome de la série Averia: Laïka, prendra sa place en librairie auprès des autres, Seki, Myr, Annika et Chernova. Il va sans dire que sa démarche littéraire n’a nécessairement pas pris une ligne droite. La route a-t-elle été semée d’imprévus?
- Les surprises, l’inattendue
- Savoir rebondir avec les pires…
Hahaha! Une lectrice a tenté de deviner le titre du sixième et dernier tome d’Averia… et son idée est mille fois meilleure que ce que j’avais prévu! Oups! Elle ne le sait pas encore, mais elle va me permettre d’ajuster le tir…!
- On profite des meilleures…
J’ai découvert avec bonheur que j’étais capable d’écrire autre chose qu’Averia! Cet automne, j’ai passé quatre mois à écrire le premier tome de la série Blé et, pas de blague, ce fut très rafraichissant! Ça faisait longtemps que je me demandais si je n’avais qu’Averia dans les tripes…
NOUVEAUTÉ : « Blé, sur la route »
« Blé sur la route » sortira le 20 février prochain, les lecteurs pourront donc retrouver Patrice Cazeault dans une nouvelle série qui, ma foi, semble teintée d’humour et de joie de vivre!
Qui est donc ce fameux groupe, Blé?
Blé? C’est deux gars, Thierry Doucet et Miro Belzil qui ont pris d’assaut les radios cet été avec Avion-Papier et qui ne me lâchent plus les oreilles avec leur voix suave et leurs mélodies accrocheuses
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C’est un groupe à la fois humoristique, bourré de talent et plein de cette belle jeunesse qui m’échappe déjà à moi, vieux croulant que je deviens jour après jour…
Pour voir le groupe à l’œuvre dans leur VIDÉOCLIP.
Comment s’est faite la rencontre avec Blé, la naissance du concept?
Je connaissais déjà Thierry, j’avais entendu la musique de Miro… Les gars avaient une idée de bouquin, mais ne pouvaient pas se permettre d’engager personne d’autre que moi… Toutes les conditions d’un grand succès littéraire étaient réunies, drette là!
Sérieux, les gars de Blé voulaient explorer quelque chose de nouveau et je couvais depuis longtemps l’envie d’écrire un roman où je pourrais m’éclater, défier les règles et m’amuser avec une narration eum… non conventionnelle!
Est-ce une forme d’écriture collective avec le groupe?
Notre processus créatif ressemble à ça : les gars me filent leurs idées, j’écris dans mon coin, on se crie après, on s’envoie des menaces de mort, je hurle, je chigne, je fais des caprices, je leur renvoie le texte avec les modifications qu’ils ont fini par m’arracher, je fais semblant qu’il s’agit de mon idée depuis le départ et on recommence.
C’est surprenant d’efficacité!
À quoi les lecteurs devront-ils s’attendre à la lecture de cette nouvelle série?
À rire. À beaucoup rire. À pleurer un peu. À découvrir un univers décalé, avec une bonne dose de cœur, des personnages complexes et… en fait, je vous invite dans un terrain de jeu que j’ai eu la chance de partager avec deux gars qui gagnent à être connus.
Vous allez être surpris, je crois!
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Merci à Julie Desjardins pour le dessin!