Marianne Portelance, qui parle souvent d’elle-même à la troisième personne, a une imagination débordante qui tend à l’accommoder quand elle veut se soustraire à une situation embarrassante. Il lui arrive d’aller jusqu’à se convaincre que ses petits mensonges pourraient être vrais.

« Marianne Portelance souffre […] Certains esprits bornés appellent ça mentir. Je ne suis pas d’accord. Je crois qu’à l’intérieur de moi il y a réellement une femme qui a accouché d’un bébé mort-né. » réf. P. 153

Cette libraire de 37 ans, dont la faible estime trouve sa cause dans sa vie qu’elle trouve ennuyante et son manque d’initiative, gravite dans une relation qui ne la satisfait pas pleinement.

« À part capturer des guêpes vivantes, je ne sais pas faire grand-chose mieux que lui. […] Il y aussi tout un éventail de choses que je ne sais pas faire du tout : nager la brasse, déboucher une toilette bloquée, enregistrer une émission… » réf. P. 27

Son plus cher souhait est d’être enceinte, mais même ça, elle n’y arrive pas. Quand le doute concernant la fidélité de son conjoint Vincent s’immisce dans son esprit, son imaginaire l’emporte sur le rationnel… Après tout, il n’aurait aucune difficulté à trouver mieux. En dépit de ses séances chez le psychologue, Marianne s’enfonce dans son délire jusqu’à ce que ce tourbillon la transporte vers une fin innatendue.

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L’habileté et la fluidité du texte mènent le lecteur dans un dédale psychologique sans lourdeur. Au contraire, il s’y trouve une certaine légèreté, un humour fin, provenant du personnage particulièrement bien construit de Marianne. Les idées toujours en dérive de cette dernière donnent toute la saveur à l’intrigue. C’est cette frivolité qui nous porte d’abord à regarder la jeune femme d’un œil suspicieux. Pourtant, au fur et à mesure que l’histoire avance, on se prend tranquillement dans l’engrenage de son esprit. Lorsqu’elle prend son mari en filature à bord d’un taxi, ses fabulations semblent soudain plus plausibles. Le chauffeur plutôt attachant devient alors son allié dans cette aventure où le labyrinthe des rues de la ville est un terrain de chasse n’ayant d’égale que les méandres de sa pensée.

Dans ce flot de réflexion, nos méninges s’activent, l’incertitude s’installe. Est-ce qu’il la trompe vraiment ou est-elle juste paranoïaque ? Le doute vicieux, celui qui se loge dans notre tête pour ne plus nous quitter, est-il forcément à l’origine de la folie ou n’est-ce pas le calcul inconscient de notre psyché sur nos impressions qui soudain s’exprime ? C’est sans contredit sur cette corde sensible que l’auteur joue, et il le fait très bien. En dépit de la simplicité de la trame du roman, l’histoire demeure captivante, puis sa finale imprévisible arrive très vite. Bref, c’est un excellent roman, je vous le conseille, encore plus si vous aimez vous perdre dans l’analyse des personnages.

Bonne lecture!

 

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