Si je vous dis Oasis, vous pensez à « Wonderwall ». Il est vrai qu’au Canada, là d’où j’écris ces lignes, le défunt groupe britannique n’a rien accompli d’exceptionnel au-delà de cette chanson mythique. À la limite, vous connaissez peut-être aussi « Don’t Look Back In Anger » ou « Champagne Supernova », car nombreux sont ceux qui possèdent le deuxième album du groupe « What’s The Story (Morning Glory)? » sur lequel se trouvent ces titres.
À l’époque, les frères Gallagher, Liam et Noel, se targuaient d’être le meilleur groupe du monde, ce qui faisait sourciller les Nord-Américains qui les trouvaient arrogants, suffisants et méprisants, car ils n’avaient rien pour justifier leurs dires. Mais en Grande-Bretagne, c’était une tout autre histoire. De l’autre côté de l’Atlantique, le groupe fracassait des records qui appartenaient parfois aux Beatles, nourrissant ainsi l’égo des membres qui devenaient une incroyable vache à lait pour leur label.
Comme c’est souvent le cas, les employés des compagnies de disques deviennent des béni-oui-oui auprès de leurs vaches à lait. Les Gallagher pouvaient donc exiger ce qu’ils voulaient et ils l’obtenaient alimentant ainsi encore plus leur égo. Saupoudrez le tout de quantités faramineuses de cocaïne et d’alcool et vous obtenez ainsi un monstre irréfrénable d’excès.
« Oasis était comme une Ferrari : superbe à regarder, super à conduire, mais qui dérapait une fois de temps en temps »
– Liam Gallagher : « Supersonic » (2016)
Et c’est à l’apogée de ce trip de cocaïne qu’est né l’album « Be Here Now », un disque qui devint l’album s’étant vendu le plus rapidement de l’histoire de la musique britannique, un record qui n’a toujours pas été battu à ce jour.
L’album avait été reçu avec une brique et un fanal, les critiques l’ayant démoli, souvent avec raison. Les chansons sont longues (oscillants entre 4 minutes 22 secondes et 11 minutes 29 secondes) ce qui faisait que la formule Gallagher (des chansons simples avec des paroles simplistes et une mélodie accrocheuse) se perdait dans un vortex de bruits (le son d’un avion, suivi d’une minute de « feedback » ouvre l’album!!), de répétitions, de centaines de pistes de guitares et de la très inappropriée technique de « mur de son » du producteur (qui était en réalité un ingénieur de son) Owen Morris. Cette dernière, qui a été utilisée sur les trois premiers opus du groupe, consistait à mettre toutes les pistes au maximum sans dynamisme pour tenter de recréer le son du groupe en concert. Elle avait été utile pour leur premier disque « Definitely Maybe » qui n’était pas très raffiné en soi. Mais le groupe aurait dû évoluer avec les deux albums qui ont suivi, ce qui ne fut pas le cas.
« C’est le son d’une bande de gars, sur la coke, en studio, qui n’en avait rien à foutre […] Toutes les chansons sont trop longues, les paroles sont merdiques et pour chaque milliseconde où Liam ne chante pas, il y a une putain de riff de guitare à la ‘Wayne’s World’ ».
– Noel Gallagher : « Live Forever – The rise and fall of Britpop » (2003)

Pourtant, ça n’a pas empêché la compagnie de disque « Ignition Records » d’ajouter l’album à sa campagne promotionnelle « Chasing The Sun » qui a débuté en 2014 avec la réédition du premier disque du groupe. En 2015, ils avaient aussi réédité « Morning Glory ». Ils finalisent maintenant le tout avec « Be Here Now » qui sera en magasin ce vendredi. La réédition comprendra l’album remastérisé, les faces B, des titres inédits ainsi qu’un disque complet de démos : les mystiques « Mustique Demos » enregistrés en 1996 par l’homme-orchestre qu’est Noel Gallagher. Notons d’ailleurs la participation de Johnny Depp sur la démo et la version finale de « Fade In-Out ».
Enfin, il y aura aussi la version de « D’You Know What I Mean? » repensée cette année par Noel Gallagher. Une version qui respire, qui est plus dynamique et où l’on peut entendre des cordes qui avaient, jusqu’à maintenant, été enterrées sous des couches de guitares. Ce sera malheureusement la seule chanson qui aura droit à ce traitement.
« Avec les années, j’ai accepté que les chansons de ‘Be Here Now’ sont ridiculement longues… trop longues. Quelqu’un (je ne me rappelle pas qui) a eu l’idée de revisiter et rééditer l’album entier pour la postérité. Je me suis rendu à la fin de la première chanson avant de perdre l’intérêt et d’abandonner… mais elle sonne foutrement immense par contre! »
— Noel Gallagher : creation-records.com (2016)
La version à 3 disques est bien sur un petit trésor pour les plus fervents amateurs du groupe, mais les plus modérés pourront aussi se procurer l’album remastérisé seulement.
« Be Here Now » sera en magasin le vendredi 14 octobre 2016.